ITW Dr Jean Thomas et Michel Habif
Enquêtes de santé N°28 (mai/juin 2015)
Titre : « Pour chaque migraine, il existe une solution »
Texte de présentation : Le Dr Jean Thomas est médecin néphrologue. Ses recherches, fruits d’un travail pluridisciplinaire, ont abouti à une autre approche de la migraine, à une compréhension de son déclenchement et à la mise en évidence de ses véritables causes, lui permettant ainsi de proposer un traitement curatif définitif sans médicament. Il a écrit deux ouvrages sur le sujet1.
Michel Habif, opticien diplômé, pratique la posturologie depuis plus de 35 ans, s’intéressant en particulier à l’influence des informations visuelles dans l’équilibre postural. Il travaille au centre de VISION ET POSTUROLOGIE (Paris 12e).
Le Dr Jean Thomas et Michel Habif collaborent depuis plusieurs années, notamment dans la prise en charge de patients migraineux.
Dr Jean Thomas, comment en êtes-vous arrivé à cette compréhension globale de la migraine qui fait que vous affirmez que l’on peut la guérir sans médicament ?
Je précise que cela fait près de 50 ans que je travaille sur la migraine. Un recul qui fait que je connais très bien le sujet, ayant vu des centaines de patients guéris de cette pathologie très invalidante. C’est pourquoi j’affirme en effet qu’à l’heure d’aujourd’hui, il est inconcevable de ne pas guérir complètement tous les types de migraines. Pour chaque migraine, on trouve en effet une solution.
Le premier jalon dans la compréhension générale de la migraine a été posé de manière assez curieuse au milieu des années 1970 : durant l’hiver, j’exerçais à Paris, au laboratoire de DR Pierre TANRET (Hôpital Bicêtre) qui a mis au point la dialyse péritonéale, et le reste de l’année, j’étais médecin aux Thermes de Vittel. Là-bas, chaque fois que j’avais un patient migraineux, je lui donnais de l’eau de source Hépar, qui est extrêmement riche en sulfate de magnésium. Quand les curistes revenaient me voir l’année suivante, ils souffraient toujours de migraines mais beaucoup moins : ils pouvaient rester quatre à cinq mois sans en avoir. C’était surprenant. La deuxième année, ils en avaient très peu, puis la troisième plus du tout…
Les médecins de Vittel avaient remarqué depuis quelques décennies l’efficacité de la cure thermale chez les migraineux2. J’ai, pour ma part, écrit une thèse en 19763 confirmant, plusieurs centaines d’observations à l’appui, que la cure s’accompagnait d’une diminution notable de l’intensité et de la fréquence des migraines. Je travaillais alors notamment avec mon épouse Élisabeth Thomas qui est pharmacienne biologiste, et avec laquelle nous avons écrit deux ouvrages sur la migraine. Les résultats favorables évoqués précédemment ont été imputés à la consommation d’eau de source Hépar et à son action cholérétique et cholagogue en rapport avec sa teneur en sulfate de magnésium.
À partir de 1990, les travaux effectués à Vittel ont mis en avant le fait que le magnésium en tant que tel participait directement à cette amélioration.
Nos recherches cliniques ont en effet pointé un déficit magnésique chez les migraineux. Nous avons montré, en 19934, que la cure à Vittel était accompagnée d’une augmentation du magnésium érythrocytaire. La réduction du déficit magnésique général des migraineux obtenue par la cure contribue à la réduction de l’irritation neuromusculaire des migraineux, bien mise en évidence par les examens cliniques. L’eau de source Hépar devenait ainsi un médicament naturel, sans aucune toxicité, pouvant donner simplement quelques réactions diarrhéiques ou quelques algies coliques chez les colitiques.
Ce fut le point de départ de nos recherches : une nette amélioration, voire la disparition des migraines avec un apport en magnésium, mais ce n’est pas l’essentiel du traitement. En effet, nos recherches, débutées au CEETMC (Centre européen d’études pour le traitement des migraines et céphalées) de Vittel, qui sont le fruit d’une étroite collaboration entre médecins et chirurgiens-dentistes, donc d’un travail pluridisciplinaire - qui s’est depuis élargi encore -, ont permis de mettre en évidence d’autres facteurs susceptibles de déclencher des migraines.
Lesquels sont-ils ?
Les autres facteurs susceptibles de faciliter l’irritation neuromusculaire oro-faciale et donc de déclencher des migraines sont des anomalies : occlusales, podologiques et oculaires.
Un examen clinique long et méthodique va rechercher ces anomalies.
Tout d’abord, le facteur occlusal. Il s’agit de rechercher un mauvais contact entre deux dents des mâchoires inférieure et supérieure, en général deux molaires. L’insertion d’une lamelle de papier, du côté droit, permet de constater cette anomalie (qu’elle soit de naissance ou acquise).
Ce mauvais contact gêne en permanence la fermeture correcte de la mandibule et ses mouvements de latéralité ou dans le sens antéropostérieur. Cette anomalie entretient une irritabilité chronique, laquelle, exacerbée à certaines occasions, déclenche alors de manière explosive l’accès migraineux.
Il suffit donc de corriger cette anomalie. Il s’agit d’un petit meulage, inférieur à 1/10mm, d’un obstacle travaillant ou non sur la facette de la dent responsable de la dysocclusion.. Le parfait équilibre mandibulaire trouvé, on constate l’arrêt de tous les phénomènes d’irritation neuromusculaire enregistrés à l’examen clinique et une atténuation rapide de la fréquence et de l’intensité des phénomènes migraineux.
Il faut savoir que le traitement de la dysocclusion peut être plus long ; il est d’une très grande importance. En effet, un vide dentaire au niveau d’une molaire (souvent la 6) peut contribuer à ces troubles, le remplacement en est alors indispensable
Ensuite, le facteur podologique. Un repère extrêmement important nous parle de façon quasi certaine d’une anomalie podologique : une sensibilité toute particulière de la cheville gauche, sous la malléole (dans la région sous-malléolaire externe). C’est un signe fondamental.
Pour corriger cette anomalie, il suffit de soulever la voûte plantaire et d’y glisser une cale podologique. Selon l’anomalie à corriger, la cale devra être plus ou moins épaisse. C’est au millimètre près : la bonne hauteur est trouvée quand la sensibilité évoquée plus haut a disparu. Un relèvement de la voûte plantaire, en général d’une épaisseur de 4mm à 16mm, conduit à la disparition totale de toute la symptomatologie. Les semelles devront être portées en permanence, même dans les chaussons, et seront contrôlées chaque année.
Pour le facteur visuel, je laisse la parole à Michel Habif. J’insisterais juste, pour terminer, sur la part extrêmement importante que prend la patience dans le traitement de la migraine et sa guérison.
Il est important de le souligner effectivement. Michel Habif, pouvez-vous nous expliquer tout d’abord ce qu’est la posturologie et son rapport avec la vision, plus précisément l’influence des informations visuelles dans l’équilibre postural, et enfin dans le déclenchement de la migraine ?
La posturologie est l’étude de l’équilibre de l’homme debout, et prend en charge les différentes informations qui permettent cet équilibre sans souffrance. Cet aspect multidisciplinaire en fait une prise en charge atypique et passionnante.
Des information complètes peuvent se trouver sur le site de l’ADAP – Association pour le Développement et l’Application de la Posturologie.
En tant qu’opticien posturologue, seul à avoir cette activité, je m’occupe d’une manière générale des douleurs chroniques, dont font partie les migraines. Concernant ces dernières, nous avons mis au point, avec le Dr Thomas, des protocoles qui permettent d’améliorer, voire de supprimer vraiment les migraines.
Il s’agit forcément d’un travail pluridisciplinaire, puisque nous sommes face à un problème à plusieurs entrées : dentaire – plantaire – visuelle. En chef d’orchestre, il s’agit d’analyser le poids de chaque entrée. Il faut engager un processus permettant d’aller progressivement vers une solution. Il arrive que la seule semelle podologique résolve le problème, ou bien le seul équipement visuel, ou le traitement dentaire ou encore la combinaison de plusieurs facteurs.
En conséquence, la correction visuelle requiert une précision extrême. L’examen est très long (il dure une heure en général) et la correction visuelle doit être validée par des tests. Il s’agit de tests posturaux, que j’ai affinés. Ils viennent tester jusqu’à correction visuelle parfaite. Ce qui peut être long, je vous l’ai dit. C’est la première étape.
La deuxième étape, c’est la réalisation des lunettes qui nécessite également une précision extrême. La monture doit être parfaitement adaptée au type d’équipement et la qualité des verres est essentielle. L’ajustage doit être régulièrement contrôlé.
Troisième étape importante, mais pas gagnée : la personne doit mettre ses lunettes en permanence… Ce qui s’avère difficile pour beaucoup de gens, qui avouent ne pas les mettre ou simplement quelques minutes dans la journée. Elles ne servent donc à rien. Parfois, les gens ont la solution à leur problème, mais ne l’exploitent pas…
Ou bien c’est vécu comme quelque chose d’inconfortable : le corps intègre mal la correction visuelle, d’où l’intérêt des tests posturaux qui viennent questionner le ressenti du corps face à cette correction visuelle.
Nous avons développé une technique et elle fonctionne. On peut vraiment soulager les personnes migraineuses autrement qu’avec tout l’attirail médicamenteux, ce qui ne fait évidemment pas plaisir à tout le monde. Le Dr Thomas et moi-même ne nous sommes pas faits que des amis…
C’est dommageable… Qu’avez-vous envie de dire en conclusion ?
Si le Dr Thomas, à la retraite depuis quelques années, s’occupe encore de ces patients, et toujours gratuitement, c’est que cette technique donne les résultats attendus et soulage de nombreux migraineux. On a vraiment besoin de gens comme lui pour une prise en charge respectueuse, au cas par cas,. Il n’a d’autre but que de voir ces personnes délivrées d’une pathologie très invalidante, bien loin de la prise en charge actuelle qui a pour conséquence de les enfermer dans un cercle infernal, celui de la chronicité avec les médicaments par exemple.
Le souci, c’est que la transmission est extrêmement compliquée, on est démolis en permanence, j’ai même entendu dire qu’on pratique la sorcellerie ! Mais l’essentiel est le résultat.
Seuls trois ou quatre médecins ont cette démarche en France., qui ont été en contact avec le Dr THOMAS.
Ayant un emploi du temps chargé, je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à la formation, mais j’ai le projet, dans les années qui arrivent m’y consacrer en organisant une formation spécifique sur la vision, et que les personnes que je formerai feront des petits…
FIN DE L’ITW
Références :
1 - « La migraine, la comprendre et la guérir définitivement », Dr Jean Thomas, Emmanuel Tomb et Élisabeth Thomas, Préface du Pr Christian Cabrol, Éd. Heures de France, 2006
« Guérir la migraine sans médicament », Dr Jean Thomas, Élisabeth Thomas, Martial Fournier ; Julien Thomas et Louis Pierre Rosati, Préface du Pr Christian Cabrol, Heures de France, 2011
2 – « Les migraines et leur traitement par les eaux sulfatées calciques et magnésiennes », F. Decaux. Congrès International de la Fonction biliaire. Volume 2. Masson Paris Édit. 1958 PP.17+32
3- « Contribution à l’étude de la place de la cure de Vittel dans le traitement des migraines », J. Thomas. Thèse Nancy 1976, 209 p.
4 – « Migraine et cure de Vittel. Influence de l’eau de source Hépar sur le taux de magnésium érythrocytaire », J. Thomas, E. Thomas, E. Tomb. Presse Therm. Climat. 1991, 128 53-58
En savoir plus :
« La migraine, la comprendre et la guérir définitivement », Dr Jean Thomas, Emmanuel Tomb et Élisabeth Thomas, Préface du Pr Christian Cabrol, Éd. Heures de France, 2006
« Guérir la migraine sans médicament », Dr Jean Thomas, Élisabeth Thomas, Martial Fournier ; Julien Thomas et Louis Pierre Rosati, Préface du Pr Christian Cabrol, Heures de France, 2011
Le site internet de Michel Habif : www.vision-et-posturologie.com/
Le site de l’A.D.A.P. : ada-posturologie.fr