INFLUENCE POSTURALE DE LA CORRECTION VISUELLE
Pratiquement tous les spécialistes en posturologie sont d'accord pour affirmer que
« l'entrée visuelle » est prépondérante dans l'équilibre postural; et très souvent, le premier réflexe est d'explorer l'oculomotricité.
Pourtant, il est un élément capital: l'accommodation.
Si on ne prend pas en considération l'accommodation, le traitement postural restera incomplet et l'efficacité amoindrie.
Il existe une liaison physiologique dite « accommodation-convergence », que l'on peut comprendre simplement :
Lorsque l'on accommode pour voir à une plus courte distance, on converge.
En mettant en jeu l'accommodation, on met également en action les muscles oculomoteurs.
A mon sens, le premier traitement lié à la vision doit être de libérer tout effort accommodatif.
Une bonne correction visuelle est celle qui apporte la vision optimale en vision éloignée, sans effort. La vision à distance rapprochée n'en sera que plus facile.
Plus de 25 ans de pratique me permettent d'affirmer que la large majorité des patients ont été améliorés en corrigeant avec précision leur vue.
Souvent les praticiens en posturologie pensent, lorsqu'il y a des lunettes, que le centrage est la cause du désordre. Ils ont parfois raison. Mais très rarement l'imprécision de centrage en est la cause unique. Cela est vrai lorsque les amétropies sont importantes en valeur ou très dissymétriques.
Couramment, il s'agit de myopes sur corrigés, d'hypermétropes sous ou non corrigés.
Les astigmatismes nécessitent bien entendu une grande précision.
Je vous présente un cas, pour moi d'école, qui résume parfaitement, d'une part l'influence de la correction visuelle, et d'autre part montre que même avec des verres mal centrés l'amélioration est notable.
J'ai reçu Monsieur Joaquim R. (51 ans) très récemment, à sa demande.
Il porte ses verres progressifs actuels depuis environ 1 an, prescrits par son ophtalmologiste habituel et réalisés par son opticien également habituel.
Son activité l'oblige à passer beaucoup de temps devant un écran d'ordinateur. Il s'agit de sa 3ème paire de verres progressifs, auxquels il a toujours eu des difficultés à s'adapter, et depuis 1 an, il n'est pas à l'aise avec ses lunettes.
Monsieur R. dit bien voir de loin avec ses verres, mais être gêné pour ce qui est à distance rapprochée.
Il porte:
OD +0,75 son acuité: 8/10 +
OG +1,50 -0,50 165° son acuité: 8/10 -
ADD +2,00
Je trouve à la réfraction subjective faite sur lunettes d'essai:
OD +2,00 son acuité: 13/10
OG +2,75 -0,50 145 son acuité: 13/10
ADD +1,50
PREMIER TEST :
Je lui propose de tourner simplement la tête d'un côté, puis de l'autre , avec ses lunettes actuelles, puis, de chausser des lunettes d'essai, sur lesquelles j'ai mis les verres qui correspondent à l'examen de vue que j'ai réalisé.
Discussion
Première partie: Monsieur R. porte ses verres progressifs.
On remarque dans les premiers mouvements, qu'il lève légèrement le menton, en réalité pour regarder plus bas dans sa monture, zone où le verre est plus puissant !
Je lui demande ensuite de réajuster son port de tête, en l'obligeant à regarder droit devant, donc vraiment dans la puissance de vision de loin de ses verres.
Il existe une limite de rotation (un peu plus limitée à droite).
On remarque également l'asymétrie de la hauteur de ses yeux (alors que les verres sont centrés à la même hauteur !), qui explique également sont inconfort.
Deuxième partie: Monsieur R. porte la nouvelle correction sur lunettes d'essai.
Les verres ne sont pas correctement centrés, et ceci volontairement.
La rotation de la tête se fait aisément avec une plus grande amplitude. De chaque côté, il va plus loin.
DEUXIEME TEST :
Je lui demande de se baisser vers le sol, les bras et les mains tendus, le plus qu'il le peut.
D'abord avec ses lunettes, puis avec les lunettes d'essai, portant la correction visuelle trouvée lors de l'examen de vue.
Discussion
Première partie : Monsieur R. porte ses lunettes actuelles progressives.
Il se baisse vers le sol, les bras et mains tendus, le plus qu'il peut.
On remarquera l'asymétrie des mains, la main droite descend plus vite et arrive plus bas avant la main gauche.
Il ne peut pas descendre plus, et il souffre d'une tension ressentie à la fesse et dans la cuisse droite, lorsqu'il est au plus bas, il ressent un blocage.
Deuxième partie : Monsieur R. porte la nouvelle correction sur lunettes d'essai
Les verres ne sont pas correctement centrés, et ceci volontairement.
Il descend beaucoup plus aisément et surtout beaucoup plus bas, et ceci sans réelle préparation physique.
On remarquera la symétrie de la hauteur de ses mains.
Je précise que ces exercices ont été réalisés à deux reprises, une première fois lors de l'examen, dans cet ordre. Lorsque j'ai fait ces vidéos, dans le 2ème test nous avons commencé avec la lunette d'essai (j'ai rétabli l'ordre au montage). Le résultat est absolument identique, et répétable à souhait.
Je tiens à faire remarquer que les tests exécutés ne peuvent pas être proposés dans tous les cas, pour tous les patients. Il peut exister des algies ou malformations incompatibles.
Conclusion :
Je remercie Monsieur Joaquim R. d'avoir accepté de se laisser filmer dans ces exercices, et de m'en avoir autorisé la diffusion.
Ce qui l'a motivé est son étonnement des résultats. Il a réalisé quelque chose d'incroyable.
Moi qui pratique depuis bien longtemps, je suis toujours autant étonné d'avoir une réponse aussi immédiate à un changement d'information visuelle.
Oui, la précision de la correction visuelle est capitale dans l'équilibre du système postural.
Michel HABIF